Retour au numéro
Vue 470 fois
02 juin 2022

Le management à la norvégienne, quand la coopération et l’entraide deviennent un art de vivre

Marion a attrapé le virus des grands espaces en 1993 lors d’un voyage en Norvège en camping-car avec ses parents. Elle n’avait alors que 6 ans mais en garde encore un souvenir mémorable !


Marion Ladier-Joakimsen
TBS 2008
Responsable de la planification de la maintenance de la plateforme offshore NORNE - Equinor

  Rien d’étonnant donc à ce que, bien des années plus tard, à la fin de ses études à l’ENSEEIHT, l’une des écoles d’ingénieurs les plus réputées de la ville rose, elle cherche, et trouve un stage en terre Viking. Elle complète ensuite son cursus toulousain par un master en Innovation et technologie à TBS Education et se fait embaucher… à Narvik, dans l’entreprise de panneaux solaires où elle avait fait son stage en 2008. Puis elle rentre en 2012 chez Equinor, le grand groupe pétrolier norvégien où elle officie aujourd’hui en tant que responsable de la planification de la maintenance de la plateforme offshore NORNE en mer de Norvège.

Mais si elle est encore basée à Harstad, tout près des îles Lofoten, 14 ans après son arrivée dans le pays, c’est aussi parce qu’elle y a trouvé un endroit idéal pour y fonder une famille et mener une vie équilibrée pour élever ses deux enfants avec son mari Norvégien. Elle me confie qu’elle ne reviendrait en France pour rien au monde, malgré la nostalgie des vins et des fromages, tant elle s’accorde avec le mode de vie du pays mais aussi avec les conditions de travail dans son entreprise.

 

La hiérarchie est très « plate » et très abordable, les rapports sont simples, y compris avec le top management.

 

Des relations simples et bienveillantes

En effet la culture nordique, modelée par la rudesse des conditions de vie, est basée sur l’entraide et la coopération : si près du cercle polaire il est malvenu de se sentir au-dessus des autres et cela n’est pas sans conséquence dans la pratique du leadership ou du management. Comme l’illustre une célèbre photo du roi de Norvège (cf. ci-contre) qui tend son billet de train au contrôleur, les rapports humains sont très directs et basés sur une bienveillance naturelle.

 

Dans l’entreprise cela se traduit par la recherche d’un consensus à tout prix.

 

En conséquence la hiérarchie est très « plate » et très abordable, les rapports sont simples, y compris avec le top management. Ainsi Marion se rappelle une intervention devant le CFO du groupe qui s’est déroulée en toute simplicité avec une écoute attentive de sa présentation. D’ailleurs cette humilité qui caractérise les relations humaines norvégiennes est inculquée dès l’enfance. L’éducation est basée sur l’égalité, la coopération et l’entraide. La notion de classes préparatoires puis de concours à la française n’a pas de sens sous ces latitudes, au détriment peut-être d’une certaine forme d’excellence issue de la compétition.  

 

Dans l’entreprise cela se traduit par la recherche d’un consensus à tout prix : tout le monde doit donner son avis avant une prise de décision, ce qui ralentit beaucoup le processus décisionnel. « Les choses prennent du temps !» me dit Marion. Mais, en revanche, le stress de la hiérarchie est quasi inexistant et les relations sociales s’exercent sur le même mode : le dialogue social se tient dans le respect mutuel des partenaires, dans ce pays ou les salariés ne peuvent exercer leur droit de grève que tous les deux ans !

En conséquence dans ce mode de rapport au travail la crise sanitaire et la pratique massive du télétravail n’ont pas vraiment bouleversé les usages. Ici les échanges autour de la machine à café sont nombreux mais brefs, les réunions commencent et finissent à l’heure, le respect de la vie privée est total, la confiance également.

Une anecdote illustre ce faible impact des mesures sanitaires : à la levée des restrictions consistant notamment à se tenir à un mètre de son interlocuteur il a été dit par un humoriste que cela serait l’occasion pour les Norvégiens de revenir à la normale, soit de se tenir à deux mètres les uns des autres. Le rapport à la nature et aux grands espaces n’y est certainement pas pour rien…

La femme viking : des vestiges de l’ordre matriarcal

Sur le plan égalité femme/homme la Norvège est également exemplaire et ce n’est pas nouveau : « La femme viking jouissait d’un prestige évident. Elle était la gardienne des traditions familiales, et finissait par être l’incarnation et l’honneur de son clan. Elle était plus souvent que l’homme, sorcière ou magicienne. Il arrivait parfois que la femme participe aux expéditions vikings ». Alors inutile de dire que la parité va de soi. Marion l’apprécie particulièrement dans sa vie personnelle avec 59 semaines de congés maternité ou paternité, elle peut élever ses enfants en toute sérénité, sans dommage pour sa carrière. L’équilibre entre la vie personnelle et professionnelle ne s’arbitre pas comme en France et même un dirigeant peut interrompre une réunion pour récupérer son enfant malade sans que quiconque s’en émeuve.

 

Sur le plan égalité femme/homme la Norvège est également exemplaire et ce n’est pas nouveau.

 

Mais ce niveau de stress minimal n’est pas sans agacer Marion dont les racines latines réclameraient parfois des décisions plus expéditives. À cet égard, elle s’intéresse beaucoup aux multiples dimensions culturelles du management depuis une mésaventure lors d’une mission à Singapour au cours de laquelle elle a sous-estimé le poids de la culture asiatique. Elle potasse donc des ouvrages sur le sujet et me conseille, notamment, la lecture de « The Invisible Elephant - Exploring Cultural Awareness » de Tom Verghese.

Mais malgré quelques menus inconvénients Marion n’est pas prête à échanger sa vie à Harstad pour les charmes du grand sud : ses origines ardennaises lui confèrent une plus grande compatibilité avec la nature sauvage des fjords, même si la nuit polaire est parfois bien longue…

 

Auteur

Articles du numéro

Commentaires

Aucun commentaire

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire. Connectez-vous.