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07 juin 2022

Devenir l’être humain qui est en vous. Devenez ce que vous êtes !

Publié par Elvire PROCHILO (TBS TOP EXECUTIVE CONSEIL, 2013) | N° 104 - 50 Nuances de Leadership

Embauché par son professeur de finance dès la fin de ses études en 1980, ce dernier lui a donné un message universel dans la transmission du savoir, la puissance intérieure : « Je vais t’aider à me rattraper et je vais continuer de courir ».


Pierre Hurstel
(TBS 1980)
Fondateur de Matière à réflexion, Président de TBS Education

 

Du grand groupe au cabinet de conseil indépendant pour mieux accompagner les dirigeants

Au rachat du cabinet pour lequel il travaille par Ernst & Young, il prend le relais de la Direction de l’audit. En tant qu’auditeur de banques mutualistes et coopératives, il observe des différences de pertinence de sa mission selon la taille des établissements, leur territoire d’implantation, le management ou encore la performance des salariés. Intrigué par l’influence de la personnalité du dirigeant sur la mission d’audit, il en déduit que ces profils ont un impact important sur l’audit. Du coup, il élabore une grille de compréhension du comportement des dirigeants avec un psychiatre pour enrichir la dimension technique de la mission d’audit.

Il assume son penchant pour le management des talents et part développer de nouvelles approches en leadership à Cleveland. Il devient, à son retour, DRH d’une BU à Paris, puis en France, en Europe du Sud et enfin DRH mondial d’Ernst & Young. C’est la dérivée naturelle du point de départ…

 

 

De la mission d’audit au management des ressources humaines

Quelques mois avant la crise 2008, il ressent la nécessité de revenir à une sobriété de moyens, à l’humilité, tant pour sa famille que pour lui-même. Il estime qu’il ne pourra pas poursuivre sa vie professionnelle avec les mêmes standards de confort.

Il anticipe qu’il faut être au plus près des gens et du leadership. Il veut aider les hommes et les femmes à vivre le monde dans leur entreprise, dans ce qui les rend incomplets, celles et ceux qui sont dans la performance et l’effort. Sa conviction : tout va bouger sauf le cerveau qui reste grégaire.

Il ressent des changements dans le secteur du numérique, notamment chez les jeunes générations. Le « temps des frères et des soeurs » remplace le « temps des pères ». Ce moment où le pouvoir bascule du vertical au transversal, où la question des différences va devenir clé.

En 2012, tout en consacrant deux jours par semaine à des actions bénévoles, il décide de construire lui-même la « cabane » dans laquelle il fera ses missions, vivra ses rêves. Il crée Matière à Réflexion, cabinet d’accompagnement du leadership de dirigeants, en ciblant les femmes, les jeunes, les personnes en repositionnement professionnel. En repartant de zéro, il décide de se mettre à leur service pour apporter sa pièce au puzzle avec un style de leadership innovant.

 

Il élabore une grille de compréhension du comportement des dirigeants avec un psychiatre pour enrichir la dimension technique de la mission d’audit.

 

 

Il devient le « petit sage qui s’assoie sur l’épaule des dirigeants » voire le « mentor absolu », selon deux de ses clientes.

Quatre grandes évolutions de contexte ont marqué les vingt dernières en matière de gestion des ressources humaines

En premier lieu, l’arrivée des femmes dans les strates de management dans les années 2000 provoque un choc dans l’armée (notamment américaine - très innovant), dans l’entreprise, dans tous les pays … C’est une révolution sur laquelle on pourrait écrire des livres entiers. Cela n’a été simple ni pour les femmes ni pour les hommes.

La crise de 2008 se révèle ensuite un choc managérial pour les entrepreneurs et les managers qui n’avaient jamais connu de crise. Ceux qui ne savaient pas faire « moins », qui ne savaient qu’augmenter les salaires. Il fallait créer des expériences courageuses… Première inversion des courbes.

Survient l’arrivée de la notion d’externalité négative, du fait qu’il n’y avait pas de plan B pour sauver la planète. Avec la responsabilité de marque, la responsabilité collective empêche de faire de la prédation entrepreneuriale… Nouveau choc. Les externalités négatives sont aujourd’hui mieux considérées. Plus récemment, la fragilité systémique du COVID fait basculer tous les modèles. Elle n’est pas anticipée. Les gens se sont aperçus qu’ils pouvaient mourir comme à l’ère de la grippe espagnole. Selon Pierre, tout cela a impacté la gestion des ressources humaines qui ne se gèrent plus comme il y a 20 ans. On n’intègre pas les externalités systémiques en appuyant sur un tableur, on ne résout pas une crise complexe sans observer comment les équipes se soudent.

 

Il faut être individuellement humble et collectivement rêveur pour la créer.

 

Si manager c’est créer la « secret sauce », elle se cuisine différemment dans les quatre contextes exposés ci-avant. Dans un monde où il faut reboussoler tous les systèmes, il faut être individuellement humble et collectivement rêveur pour la créer. Cela ne se construira que par l’innovation et la collaboration.

Le leadership réparateur, LA posture du dirigeant au service de ses collaborateurs

Le leadership est une compétence à dissocier du charisme, un faux ami du leader. Le charisme est inné mais peut être de mauvais conseil car il peut entraîner une posture d’aise.

 

Délivrer de la performance sans abîmer l’équipe, les acteurs de l’entreprise.

 

Le leader serviteur est celui qui décrit le réel. Il est au service de ses équipes et à la fin, il dit merci. Il est dans le « Care », dans l’exemplarité, dans la communication non violente. Il utilise le rire, il est humble, il est dans la présence. Son job, c’est de mettre en place la sécurité psychologique des acteurs, cherchant à tout prix que les collaborateurs se mettent en situation de puissance.

Quand le leader est réparateur, il permet de délivrer de la performance sans abîmer l’équipe, les acteurs de l’entreprise : « On joue samedi mais on rejoue samedi prochain avec la même équipe en la faisant grandir ». C’est un leadership de combat, épatant, exigeant. Il n’y a de moyens de s’en sortir que dans l’Entreprise Responsable, qui peut aussi être le lieu de l’autoréparation. Elle a le devoir de réparer les autres aspects de la vie personnelle des acteurs. En ce sens, l’économie sociale et solidaire n’est pas la seule vertueuse, l’entreprise classique se doit d’être au rendez-vous de la réparation.

Le leadership n’a pas de genre, les femmes sont même surdouées

De même, Il n’y a pas de genre au leadership et peu d’espoir pour les styles de leadership issus du passé, dans l’autorité descendante.

 

L’économie sociale et solidaire n’est pas la seule vertueuse, l’entreprise classique se doit d’être au rendez-vous de la réparation.

 

En accompagnant les femmes, Pierre a fini par identifier chez elles deux qualités :

- Une propension naturelle à tisser des réseaux humains fondés sur la confiance (Deborah Holmes) : dès 4 ans, pendant que les garçons jouent aux billes, « les filles s ’assoient pour parler de choses et d’autres pour savoir sur qui pouvoir s’appuyer ». Elles font des hypothèses sur qui a le pouvoir. Les femmes sont prédisposées au système relationnel ample et à la multitude, capables d’utiliser du lien solide par la confiance.
- Leur appréhension de la fragilité qui excède celle des hommes, qui eux la considèrent comme une faiblesse. Les femmes prennent en compte le soin d’autrui. Ces deux dernières années ont d’ailleurs mis en évidence qu’à la fragilité individuelle s’ajoute la fragilité systémique. Notamment, après avoir échangé avec Catherine McGregor, Directrice Générale d’Engie, Pierre a noté à quel point celle-ci incarne deux forces : une absence totale d’arrogance et une forte capacité d’écoute.

Il faut cesser de grouper les femmes entre elles pour ressasser leur syndrome d’imposture et il faut passer les hommes à la lessiveuse pour effacer l’idée que celles-ci sont averses au risque. Elles ne se battent pas pour une promotion, mais leur approche questionneuse des problématiques est une caractéristique de leur leadership.

La capacité des femmes, c’est précisément leur vision stratégique.

Le leadership serviteur pour fidéliser les jeunes générations

Le leadership autoritaire n’a plus aucune chance d’attirer les jeunes diplômés vers l’entreprise. Les taux d’attrition notamment dans les mondes de la Tech et du Numérique sont les signaux du début d’une transformation massive. Il y a peu de ressources et beaucoup d’argent. Les dirigeants s’arrachent les « Hot Skills » et génèrent une volatilité dans les carrières. Quand bien même, les jeunes pivotent parfois très tôt sur leurs choix de vie et le sens qu’ils veulent lui donner. C’est un phénomène mondial.

 

Une mise à jour des comportements du leadership s’impose avec ceux qui font le lien avec leurs équipes, leurs projets, leur planète, leurs clients.

 

Face à la pénurie de talents, le fond des bassins managériaux est jonché de vieux véhicules. Une mise à jour des comportements du leadership s’impose avec ceux qui font le lien avec leurs équipes, leurs projets, leur planète, leurs clients.

Pour conserver les talents, le style de leadership va être clé et la façon dont il se convertit en rentabilité et en performance va être déterminante. Une course s’opère entre le bon style de leadership, la rencontre du marché et la transformation du tout en réussite. Pas de leadership réparateur sans se confronter au marché, dans l’économie réelle.

Le voeu le plus cher de Pierre, en tant que président de TBS Education, est de disséminer l’apprentissage du leadership réparateur. Il a été élu président de TBS Education. Ce mandat, qui lui a été proposé, est arrivé comme une surprise stratégique de sa vie. Son travail de président ne peut se faire que par ses convictions. S’il peut aider à ce que la pédagogie amène du leadership réparateur, il va essayer de jouer sa partition. Il est très honoré et cela l’engage.

Pour terminer cet entretien voici trois conseils de Pierre aux étudiants ou aux Alumni de TBS Education pour développer leur leadership.

Travailler énormément pendant ses études. Il faut profiter de toutes ces connexions, de toutes les épreuves. Il faut savoir aussi tisser des liens, découvrir l’autre, s’ouvrir aux équipes.

Essayer d’inventer sa vie : rêver à la manière dont chacun veut ou va faire son métier et libérer le potentiel créatif d’invention professionnelle.

À côté de la vie professionnelle, profiter pleinement de sa vie personnelle : ne découvrez pas tard que vous avez des enfants de 18 ans et que vous aviez des choses à vous dire plutôt que de rester sur votre mobile.

Trouver sa signature personnelle : cherchez la typicité qui vous rend original et ne la négligez pas. Sachez devenir le spécialiste de votre vie où vous allez exprimer un talent culturel, une philosophie pour la planète. Toutes les associations, le lien au développement durable, la diversité… cette école est le lieu de toutes ses vies.

Bref… Devenir l’être humain qui est en vous. Devenez ce que vous êtes !

 

Auteur

Elvire PROCHILO (TBS TOP EXECUTIVE CONSEIL, 2013)

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