Retour au numéro
Partager sur :
Vue 235 fois
08 juin 2023

Des lunettes en circuit court pour voir de loin !

Publié par Pierre SOULOUMIAC (TBS Education 1988) | N° 105 - Entreprises et sobriété

Stéphanie MAUDHUY [TBS Education 2013]

Fondatrice de YEYE

Dès ses années de lycée, Stéphanie a eu la fibre internationale chevillée au corps. Ainsi, BAC en poche, elle entreprend un BTS commerce international qui la conduira à Londres pour un stage chez une créatrice de mode puis dans le domaine de la logistique. Elle poursuit par une licence dans le même domaine, à Paris 12, puis prend une année de césure pendant laquelle elle travaille au sein des Laboratoires Dermatologiques d’Uriage, au service marketing international, tout en préparant les examens d’entrée en école de commerce. Retenue à TBS Education, elle file aussitôt aux Etats-Unis pour un 1er semestre et enchaîne avec un autre semestre sur le campus de Barcelone.

Son stage de fin d’études chez « My Little Paris », pour le lancement de la box éponyme, l’enthousiasme par l’ambiance startup où tous les possibles sont explorés, mais elle se met rapidement en quête d’une organisation plus structurée.

 

Elle souhaite également s’éloigner de Paris et rentre chez « Maisons du Monde », basé en Loire-Atlantique, où elle passera les six années suivantes. Son job : les achats dans le domaine textile, en Chine, en Inde, en Turquie, … Le travail de conception avec les stylistes la passionne et, à cette époque, ses préoccupations RSE sont encore embryonnaires, Stéphanie enchaîne les déplacements longues distances vers l’Asie, sans trop se préoccuper de son empreinte carbone...

Le volet environnemental constitue un vrai défi dans la supply chain mais aussi dans les process.

 

Ce n’est qu’en 2015 que la démarche RSE est intégrée dans la politique de l’entreprise et notamment dans son volet textile qui est l’une des activités les moins vertueuses du monde en matière environnementale. Bien que toute la production soit localisée en Asie, Maisons du monde travaille avec des fournisseurs fiables et partenaires de longue durée, ce qui facilite l’intégration des contraintes RSE dans les process. Parmi les sujets cruciaux à traiter, le recours au travail des enfants n’est pas très problématique en raison d’une tradition d’accompagnement familial très développée chez ces sous-traitants fidèles de Maisons du Monde. Le volet environnemental constitue en revanche un vrai défi dans la supply chain mais aussi dans les process : le sourcing en coton bio ou en matières recyclées, le recours à des teintures végétales sont étroitement contrôlés par le commanditaire, notamment pour le respect des normes européennes.

 

Avant le départ de Stéphanie, une tentative de relocalisation en Europe (Espagne, Portugal) de certaines productions a été tentée dans un objectif de sobriété de transport, mais le prix, la réactivité ont

empêché cette initiative d’aller à son terme. Même quand le coût de livraison d’un conteneur est multiplié par cinq le prix de revient des produits reste trop élevé, sauf pour un marché de niche avec une forte identité territoriale comme le « Slip français », à 40 € pièce… Et pourtant, il n’y a pas si longtemps que la production textile a déserté l’hexagone. « Un jour, j’ai retrouvé un carton chez ma mère avec mes robes, et celles de ma sœur, achetées à la fin des années 80 ; toutes étaient fabriquées en France ! » nous dit-elle !

 

Quelque temps plus tard, après un passage en freelance interrompu par la covid et une naissance, c’est peut-être ce ferment qui a poussé Stéphanie à s’intéresser à une fabrication sur le territoire national.

 

« Tout est parti de l’achat d’une paire de lunettes pour mon fils chez un opticien : il y avait tous les prix et tous les modèles et aucun français, même plus cher ! »

 

Il n’en fallait pas plus à l’entreprenante Stéphanie pour se lancer dans une investigation sur la production de lunettes en Europe. Elle découvre à cette occasion un pôle de production dans le Jura, en lien avec l’industrie de la plasturgie et une tradition ancienne de lunetiers.

 

 

Voici une belle occasion pour réaliser son envie naissante de créer un produit bien fait, joli, accessible, responsable et fabriqué en France !

Elle se rapproche d’une usine familiale dans le Jura qui lui permet de créer sa marque « YEYE » et de sortir son premier modèle, pour enfants bien sûr…sous une certification « Origine France garantie » très exigeante !

Chez YEYE tout est organisé pour favoriser les circuits courts et le recyclage.  

 

Chez YEYE tout est organisé pour favoriser les circuits courts et le recyclage : les montures et les verres sont fabriqués dans le Jura, les vis sont également françaises et une attention particulière est portée à l’utilisation de matériaux éco-responsables : pigments naturels, utilisation de l’huile de ricin comme alternative au plastique…

 

Ces technologies inspirées de l’univers de l’automobile et de la plasturgie, très présent dans la région, permettent le recyclage des lunettes tout en gardant une très bonne résistance aux chocs, aux frottements… et la légèreté ! Une des stratégies de sobriété de la marque est également de ne pas multiplier les modèles pour limiter le gaspillage de matière à la fabrication.

 

Désormais les lunettes YEYE, pour toute la famille, sont distribuées par internet www.yeye-france.com et dans un réseau d’une centaine de revendeurs.

Stéphanie se félicite de pouvoir maitriser toute la chaine de production en France et d’avoir des partenaires qui lui permettent de développer la marque à son rythme et entourée de personnes qui partagent ses valeurs.

 

Le marché français n’est pas encore suffisamment sensibilisé à consommer moins pour consommer mieux !

 

Elle attire toutefois notre attention sur la difficulté de l’exercice de produire en France, sur les dérives qu’elle peut observer de « French Washing » ou bien de « Green Washing » et constate que le marché français n’est pas encore suffisamment sensibilisé à consommer moins pour consommer mieux !

 

 

« C’est un travail d’éducation de tous les jours pour amener les consommateurs à acheter moins, mais de meilleure qualité ! » conclut-elle…

 

Propos recueillis par Pierre SOULOUMIAC (TBS Education 1988)

Auteur

Pierre SOULOUMIAC (TBS Education 1988)

Articles du numéro

Commentaires

Aucun commentaire

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire. Connectez-vous.